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Le département musique du Pont Supérieur s’est donné comme objectif de définir et cadrer une activité de recherche qui soit portée et/ou guidée par et pour la création artistique. Dans un espace qui voit la recherche académique associée à la création artistique, un grand nombre de pratiques coexistent. Elles sont désignées, le plus souvent par des termes aussi divers que « recherche-création », « artistic research », « practice-based research », « practice as research » ou « practice-led research ». Toutes se recoupent sans toutefois se ressembler complètement.
Au-delà d’un simple inventaire de pratiques et d’une réflexion terminologique sur l’articulation entre la recherche et la création, le département musique du Pont Supérieur s’est engagé dans un projet global de construction de sa recherche. Il a pour objectif de recenser les courants philosophiques qui sous-tendent la recherche-création et d’imaginer les possibilités d’applications de ces pratiques dans le contexte de l’enseignement supérieur culture en France. Il ne s’agit pas uniquement de rassembler des expériences et des informations, nous ambitionnons de construire une connaissance de la recherche-création pour le département musique du Pont Supérieur. Par-là, nous entendons travailler à partir de points de vue et d’expériences afin de construire, dans une approche pragmatiste (William James, Bruno Latour), cette connaissance et ses applications pratiques.
LA NOTION DE CONNAISSANCE
La notion de connaissance, au sens où nous l’entendons (Edgar Morin), est construite à partir d’informations qu’il ne s’agit pas seulement d’agglomérer pour qu’elle existe. Elles doivent être vérifiées en pratique, nourries d’expériences pour aboutir à une vérité contextuelle. La connaissance ne peut donc être qu’ancrée, située. Elle n’est jamais absolue. Elle doit être construite en conscience, en tenant compte des subjectivités, des différences de points de vue et de leurs édifications. C’est le sens de la fameuse maxime d’Edgar Morin « pas de connaissance sans connaissance de la connaissance » [1].
[1] MORIN Edgar, La connaissance de la connaissance, dans La méthode Tome 3, Ed. du Seuil, Paris, 1986, p.25.
Anthropologie des pratiques
Parallèlement à ces questions d’ordre philosophiques, et en lien avec des expériences empiriques, nous souhaitons donc interroger le cadre actuel des possibilités en France comme en Europe. En adoptant une approche d’anthropologie des pratiques (Isabelle Stengers, Bruno Latour) il s’agit d’aller interroger les valeurs qui fondent l’art comme la science et les endroits où elles remettent en question l’existence même de la recherche-création. Plus concrètement, les questions que nous souhaitons porter au débat collectif rejoignent les suivantes : l’intention de l’auteur suffit-elle à définir la nature de sa production (artistique ou scientifique) ? Ou bien, existe-t-il d’autres critères qui permettent d’évaluer la valeur d’une production ? Et, dans ce cas, quelles sont les valeurs immuables de la science, et celles de l’art, et à quel endroit se situerait le potentiel de diplomatie qui permettrait de les faire travailler ensemble ?